« Je hais le mouvement qui déplace les lignes » Charles Baudelaire, La Beauté, 1857
Le déplacement moderne dé-place : il restreint la place du public, la part de l’attente et sa part de surprise. Les flux ne sont parfaitement régulés et sécurisés que s’ils vont séparés, excluant a priori une mixité toujours suspecte, souvent coupable. Quand même on regrette les avantages d’un espace public ouvert à tous les flux, sans séparation, il n’est pas imaginé de le mettre en œuvre complètement. Quand même on a constaté le désastre induit par les flux séparés – étalement urbain, territoires délaissés, pratiques fragmentées – il n’est pas imaginé d’y renoncer tout à fait. Le « site propre » d’un transport collectif résume l’ambiguïté des dispositifs : idéalement, c’est une part de chaussée qui, enlevée à l’automobile, est restituée au public ; pratiquement, c’est un site réservé au transport, où le public, ces piétons distraits par nature, est aussi malvenu qu’il l’était sur la chaussée. Entre les désirs, également légitimes, d’espaces publics ouverts à tous et de mouvements parfaitement sécurisés, il n’y a pas de juste équilibre, mais un compromis constamment renégocié.